mercredi 12 novembre 2014

Les peurs des animaux chez le vétérinaire


Est-il normal que nos animaux aient peur chez le vétérinaire?


Voici l'avis de Karen OVERALL sur ce sujet...



Je vous laisse l'intégralité de son message. Il est d'une simplicité qui, à mon sens, caractérise les discours de ceux qui maîtrisent leur sujet.
Cet article n'est là que pour la traduction, et pour le partager avec tous mes confrères.
Vos avis et commentaires sont les bienvenus!! :D







Une des erreurs que font les gens, c'est de penser que les chiens et les chats sont "supposés" avoir peur lorsqu'ils sont dans une clinique vétérinaire. c'est une erreur catastrophique, c'est une erreur qui peut entraîner des conséquences irrémédiables.

Lorsque vous avez un chiot ou un chaton de 8 à 12 semaines, leur cortex cérébral est encore en plein développement. Si on effraie cet animal, on peut entraîner des changements dans la mise en place de la cascade des neurotransmetteurs et modifier ses capacités d'apprentissage. Toutes les personnes qui ont déjà été gravement effrayé par une situation connaissent cette sensation, et savent à quelle point elle est affreuse, sans forcement pourvoir l'exprimer. Mais cette sensation restera là pour toujours. Une des raisons pour laquelle elle restera là pour toujours, c'est que cela fait partie de nos capacités adaptatives innées: se souvenir de la peur est un moyen de rester en vie. [...]

En voyant un chiot qui doit être examiné mais que trois personnes ne suffisent pas à le maintenir, il faut s'ARRÊTER! Stopper tout, c'est fini! Ce chiot a déjà dépassé les limites.
Mais de la même manière, tout le monde pense qu'un chiot s'est bien comporté parce qu'il est resté assis et sans bouger. Mais en le regardant plus attentivement, on pourrait le voir trembler, saliver, détourner le regard...il faut STOPPER, il est déjà trop paniqué, et tout ce que vous mettrez en oeuvre empirerait les choses. Rien n'est plus urgent pour cet animal que de stopper.

Et c'est encore pire pour les chatons, car les gens pensent que les chats ne se comportent pas bien chez le vétérinaire quoique l'on fasse, ce qui est absolument stupide. A ce jeune age, avec un jouet en plume, un chaton va sauter, courir, monter sur la table d'examen... il faut se servir de cela pour leur apprendre à monter pour se faire examiner facilement: monter sur la table, sauter vers le jouet pour regarder son ventre. En le faisant taper dans votre main (high five), vous examinez son aisselle, puis l'autre coté...en le faisant asseoir avec les pattes en l'air, vous vérifiez son ventre, en le mettant de bout avec les pattes en l'air, vous examinez sa région inguinale... au final vous n'avez presque pas à toucher l'animal! 

Ce sont des périodes où ils sont "pré-adaptés" à s'amuser! Le but est d'apprendre par essai-erreur, et pourtant nous ne nous en servons pas en clinique! Au lieu de cela, nous imposons des manipulations dont nous savons qu'elles peuvent être effrayantes! Et les chiots et les chatons nous le disent! Mais hélas nous ne réalisons pas que nous commettons des dommages irréversibles, pourtant c'est un fait.

Peut-on améliorer ces peurs du vétérinaire? OUI, mais  cela peut-être très difficile et dépendant de la génétique et du tempérament. Certains chiens ou chats auront plus de difficultés que d'autres...

Nous causons probablement des dommages inutiles.

Suite de l'interview de Karen Overall: 






Dr Antoine BOUVRESSE
Vétérinaire comportementaliste DENVF






dimanche 2 novembre 2014

Est-ce que la domestication affecte l’inhibition

Est-ce que la domestication affecte l’inhibition (inhibition control) ?


Comparaison de chiens et de loups élevés dans les mêmes conditions dans deux différents tests d’inhibition.


S. Marshall-Pescini, Zs. Viranyi, F. Range.

(Traduction et notes de conférence du Canine Science Forum 2014, Lincoln, UK)



Le contrôle inhibiteur peut être défini par le blocage d’une réponse impulsive en faveur d’une alternative plus appropriée. Il est considéré comme un mécanisme important qui permet aux animaux de réguler leur comportement dans un contexte social ou de recherche de nourriture. De plus on suppose que ce mécanisme d’inhibition est crucial pour les espèces prédatrices, en particulier celles chassant en groupe (Bailey et al., 2013).

Dans cette étude, deux espèces sont testées : le chien et le loup, qui, en liberté, montrent de nombreuses similitudes dans leur organisation sociale, mais qui diffèrent grandement dans leurs comportements de recherche alimentaire. Les loups se nourrissent principalement en chassant en groupe, alors que les chiens chassent peu, mais passent beaucoup de temps à fourrager sur des sites prédéfinis comme les zones de déchets humains (Butler et al. 2004 ; Manor & Saltz 2004).

En partant de l’hypothèse que le contrôle inhibiteur d’une espèce est fortement corrélé à sa stratégie de recherche de nourriture, on pourrait supposer que les loups soient plus performants que les chiens lors de test nécessitant un contrôle inhibiteur. Toutefois, des hypothèses récentes ont mis en évidence que le processus de domestication aurait également pu sélectionner des individus au tempérament moins réactif (Hare et al. 2005 ; 2012) ou acceptant plus facilement l’humain en supprimant les réactions immédiates de peur à la faveur de récompenses différées (Gacsi et al., 2009).


Dans cette étude, un groupe de chiens (N=16) et un groupe de loups (N=16) élevés dans les même conditions sont testés pour deux taches requérant  un contrôle inhibiteur : le test du détour (Pongracz et al., 2001) et le test du cylindre (Bray et al., 2013).





Dans le test du détour,  une récompense alimentaire est placée derrière un obstacle « en V » qui permet au chien de voir la friandise. Il doit contourner la grille (s’éloigner de la friandise) pour pourvoir l’obtenir.











Dans le test du cylindre, une récompense est placée dans un tube cylindrique transparent. Pour l’obtenir, le chien ne doit pas se focaliser sur l’objet, mais s’en éloigner pour aller le chercher par le coté ouvert du tube








Les résultats du test du cylindre montrent que les loups sont moins performants que le groupe de chiens (p= 0,01). Mais on obtient des résultats opposés dans le test du détour où les loups montrent un délai de succès plus court (p= 0,037), et persévèrent moins longtemps devant la clôture (i.e. : qu’ils contournent plus vite) (p=0,016).

 Il n’y a pas de corrélation entre les performances aux deux différents tests, ni chez les chiens (rho= 13, p= 0,69), ni chez les loups (rho= 0,42, p= 0,14).

La discussion de cette expérience porte sur les raisons potentielles de ces résultats opposés dans les deux tests qui visent tous les deux à mesurer le contrôle inhibiteur (par exemple l’effet d’un entrainement préalable des chiens au test du cylindre?). 

Il est également possible que les deux hypothèses (mode de recherche de nourriture vs. Domestication) soient vraies mais que les tests entrepris ne quantifient pas exactement le même processus d’inhibition.

Retrouvez d'autres Compte rendu de conférences du Canine Science Forum sur le site de la Société Francophone de Cynotechniqe: www.sfcyno.com

Dr Antoine BOUVRESSE
Vétérinaire comportementaliste DENVF